Interview avec Francis Saucy, Président de la Société Romande d'Apiculture

3. Okt 2022

Francis Saucy

1957, Vuippens (FR)
Marié et père de 3 enfants
Président de la Société Romande d'Apiculture SAR

Biologiste, statisticien et apiculteur

 

Qu'espère votre organisation de cette collaboration avec la FSB ?

Apisuisse attend de cette collaboration que la branche de la production sucrière s'engage avec détermination dans la réduction des pesticides de synthèse et qu’elle augmente significativement la production de betteraves labellisées IP-suisse et Bio-suisse et mette en vente un sucre produit selon des critères plus durables.

 

Quelle est votre relation avec l'agriculture, respectivement avec la culture de betteraves?

Je suis moi-même issu de familles paysannes. Mes quatre grands-parents étaient paysans et j’ai plusieurs cousines et cousins agricultrices et agriculteurs. Nous nous rencontrons traditionnellement une fois l’an dans la ferme familiale pour un grand pic-nic. J’ai personnellement effectué mon travail de diplôme et ma thèse de doctorat à la Station de recherches agronomique de Changins (aujourd’hui Agroscope) sur la biologie du campagnol terrestre, un terrible ravageur des prairies, avec pour objectif la recherche de méthodes de lutte intégrée contre ce rongeur. En ce qui concerne, les betteraves, j’ai un souvenir très aigu du temps passé au printemps dans les champs, à les “érarrir” après le semis, puis à les désherber, manuellement à l’aide d’une pioche que l’on appelait raclette. C’était dur et astreignant. Mais c’était largement compensés par les très bons moments de la récolte en octobre-novembre. Un travail dur également, toujours à la main, mais que de rires, de belle complicité et de beaux souvenirs.

 

Comment vous assurez-vous que votre organisation ne sera pas instrumentalisée ?

L’instrumentalisation de notre association est en effet un risque dont nous sommes conscients. Nous avons convenu avec nos partenaires qu’un calendrier avec des objectifs ambitieux de réduction des produits phytosanitaires les plus nocifs serait mis en place rapidement et évalué régulièrement. C’est donc sur la base de ces critères que nous déterminerons la volonté de nos partenaires à s’engager dans cette voie. Nous serons très vigilants et, le cas échéant, n’hésiterons pas à dénoncer l’accord si nous avons le sentiment d’être instrumentalisés.

 

Où voyez-vous des potentiels d'amélioration pour une agriculture favorisant mieux les abeilles ?

Ils sont nombreux, mais j’en mentionnerai trois. La réduction de l’utilisation de pesticides est bien entendu au premier plan. Mais tout aussi importante est l'augmentation de sources de nectar et de pollen dans les surfaces cultivées. En plaine, après la floraison des arbres fruitiers et du colza et en montagne après celle du pissenlit, ces surfaces se transforment en désert pour les abeilles mellifères et sauvages. Pour sa simple subsistance, une colonie d’abeilles mellifères a besoin de 25-50 kg de pollen par an (c’est la source de protéines) et de 50 à 100kg de nectar (c’est la source d’énergie). Si l’année est bonne, le miel viendra en supplément. Si l’année est mauvaise comme en 2021, il faudra nourrir les abeilles dès le mois de juin. Cela n’arrivait jamais par le passé. Les méthodes de fauche, enfin, devraient également être adaptées. La fauche en plein jour d’une prairie en fleurs à l’éclateur tue environ 30’000 abeilles à l’hectare, soit l’équivalent d’une colonie d’abeilles mellifères.  

 

La Suisse est l'un des rares pays d'Europe à ne pas avoir reçu d'autorisation d’urgence pour l’enrobage des semences de betteraves aux néonicotinoïdes après leur interdiction. Les normes de production sont ainsi désormais plus strictes dans notre pays que chez nos voisins. Quitte à manger du sucre, ne devrait-on pas consommer davantage de sucre indigène?

Les producteurs suisses n'ont pas été abandonnés sans moyens de lutte. En effet, l’OFAG a autorisé deux substances dont un néonicotinoïde à pulvériser en cas de prolifération de pucerons. La politique de traitement en cas de nécessité est moins nocive pour l’environnement que la méthode préventive et à ma connaissances les agriculteurs n’ont pas eu à y recourir massivement l’an dernier. Même si le sucre n’est pas le meilleur aliment pour la santé, je suis en effet favorable à la consommation de sucre d’origine suisse. J’en ai en particulier besoin pour mes abeilles que je tiens à nourrir avec un sirop issu de sucre bio. Malheureusement, la production de sucre bio en Suisse ne couvre pas la demande. Pour les abeilles, le sirop est fabriqué en Suisse à l’aide de sucre en provenance du sud de l’Allemagne. Notre industrie sucrière marquerait un très bon point si elle pouvait satisfaire aux besoins du pays dans ce secteur.

 

 

Merci à Francis Saucy d'avoir répondu à nos questions!

Vers le communiqué du 27 septembre 2022 "Un accord pour le bien des abeilles"